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La Dysplasie coxo-fémorale (DCF)

Dernière mise à jour : 31 déc. 2020


Intervention du Pr JP GENEVOIS

Rencontres Eleveurs/vétérinaires, AFVAC, Nantes, 28 novembre 2013


I. La dysplasie coxo-fémorale, maladie héréditaire ?

Tout d’abord, on doit noter que la dysplasie n’est pas une maladie à proprement parlé, mais qu’il s’agit en réalité d’une affection héréditaire.

1. Les idées fausses

On a souvent des idées fausses et préconçues sur la dysplasie coxo-fémorale. En voici les principales :

- « la génétique n’est responsable que pour une partie de la dysplasie » : un chiot écrasé par sa mère ou ayant subi un accident pendant son jeune âge peut devenir dysplasique

- L’héritabilité de la dysplasie est voisine de 40 % : ce qui veut dire que 60 % de la dysplasie est d’origine non génétique

- Un apport de vitamine C peut remédier à la dysplasie

- Le fait de nourrir son chien avec telle ou telle marque de croquettes entraînerait des problèmes de dysplasie

- Les erreurs d’alimentation, les exercices violents sur sols glissant … sont sources de dysplasie.

Ces idées sont totalement fausses. Il a été, à de nombreuses reprises, prouvé que la dysplasie est bien une affection génétique et héréditaire.

2. Démonstration par l’étude du taux de dysplasie lors de croisements entre sujet sains et sujets dysplasiques.

On peut citer 3 études qui démontrent que la dysplasie est bien héréditaire :

- L’Etude de RISER (1964) qui a croisé des bergers allemands : les sujets sains sont représentés par la lettre N et des sujets dysplasiques D. Voici les croisements effectués :



On note bien que l’on peut obtenir des sujets dysplasiques à partir de sujets sains, et que d’après cette étude, il semblerait qu’une dysplasie de la femelle reproductrice entrainerait un plus grand nombre de chiots atteints

- L’étude de HUTT (1967) toujours basée sur des bergers allemands



Cette étude confirme donc bien les résultats obtenus par Riser. On observe toutefois que la femelle n’est pas forcément celle qui transmet le caractère héréditaire de la dysplasie (voir dernière colonne) et que la contribution génétique de la dysplasie se fait de manière égale entre le mâle et la femelle.

- L’Etude du Pr DENIS (2007)

Selon le Pr Denis, on obtiendrait en effectuant les croisements :

N x N : 25 % de dysplasie

D x D : 75 % de dysplasie

D x N : 50 % de dysplasie

Il s’agit bien d’une maladie héréditaire et dont la transmission est indépendante du sexe.

3. Epidémiologie de la dysplasie.

Toutes les races ne sont pas touchées de la même manière en ce qui concerne la dysplasie. Les lévriers par exemple en sont indemnes totalement. Chez les huskys, cela représente 3 % du cheptel alors que chez les Sussex Spaniels, 83 % des chiens sont dysplasiques.

De même, on peut observer une différence au niveau de l’intragroupe : ainsi dans le groupe des Spaniels, on observe une large gamme de représentation de la dysplasie en fonction de la race.

4. L’héritabilité.

Comme nous l’avons vu la dysplasie est une affection génétique. Son déterminisme est polygénique. C’est-à-dire, que l’affection est déterminée par l’expression de plusieurs gènes.

Pour extérioriser la maladie, un chien doit donc posséder un nombre minimum de gènes défectueux. Pour le moment, dans l’état actuel de nos connaissances, nous ignorons le nombre de gènes défectueux.

Il faut également tenir compte, que pour extérioriser la maladie, le chien est soumis à de nombreux facteurs externes (alimentation, exercice…).

On parle alors d’héritabilité : c’est-à-dire la faculté d’extérioriser la maladie.

En ce qui concerne la dysplasie coxo-fémorale, l’héritabilité est de 40 %. Ce qui veut dire :

Comme la DCF est une maladie héréditaire, 40 % des variations du phénotype sont liées à celles du génotype et que donc 60 % des variations sont liées à des évènements extérieurs. En d’autres termes, un chien dysplasique le sera pour 40 % à l’expression de ses gènes et pour 60% à l’effet de facteurs d’élevage.

Ainsi Riser a démontré, sur des bergers allemands dysplasiques, qu’il était possible de masquer la dysplasie et d’obtenir des hanches parfaites en maintenant enfermé les chiens jusqu’à l’âge de 8 mois dans des cages.

A noter, dans le cadre de dysplasie unilatérale : la dysplasie est camouflée par une laxité ligamentaire d’une hanche. Les chiens ont bien une dysplasie bilatérale, mais c’est le système actuel radiographique qui ne permet pas de détecter la dysplasie masquée. Seul un dépistage sanguin, basé sur une recherche génotypique, pour le moment pas encore au point, pourra mettre en évidence à coup sûr la dysplasie.

Recherches relatives à la mise au point d’un dépistage génétique de la dysplasie coxo-fémorale

De nombreuses études sont en cours. Le but de ces recherches est d’identifier les parties des chromosomes qui contiennent un gène ou un groupe de gènes qui influencent l’expression de la dysplasie.

En France, c’est l’équipe « Génétique du Chien » dirigé par Catherine ANDRE à l’institut de Génétique et Développement du CNRS à Rennes qui travaille sur ce sujet. Pour progresser dans ce domaine, l’équipe a besoin de prélèvements sanguins effectués sur des individus classés « D » ou « E ».

Vous pouvez retrouver toutes les informations nécessaires, ainsi que le formulaire, pour participer à cette recherche sur le site du Club Français du Léonberg.

II. Quelle politique d’élevage mettre en œuvre pour contrôler et limiter les conséquences

Comme nous venons de la voir, la dysplasie coxo-fémorale est une affection héréditaire dont l’héritabilité est de 40 %. Cette valeur est très moyenne, les améliorations par la sélection sont donc très lentes à obtenir. Il s’agit donc d’efforts à long terme, menés de manière pertinente et soutenue.

1. Rôle de l’éleveur.

- Il doit tout d’abord accepter le rôle héréditaire. Et que donc, quoi qu’il fasse, il peut produire à tout moment des chiots dysplasiques

- Il doit faire attention au choix de ses reproducteurs, choix qui est souvent négligé. L’éleveur ne doit pas tenir compte que des résultats en exposition ou des titres des champions, mais doit faire aussi attention aux résultats en matière de dysplasie de son futur reproducteur.

Cette étape est importante mais pas suffisante : il faut regarder aussi les hanches des ancêtres et donc décrypter le pedigree. Deux cas de figures : soit on connait la dysplasie des ancêtres car donnée sur le pedigree, soit il n’y a pas d’indication. On peut alors se retrouver dans le cas d’un ancêtre non radiographié tout simplement, soit d’un ancêtre dont les hanches étaient très mauvaises et dont le résultat n’a pas été publié.

On peut aussi se retrouver dans le cas où on a plusieurs générations avec une dysplasie A et puis d’un coup un D : ceci peut s’expliquer aussi par le fait, qu’autrefois, les radiographies pouvaient être réalisées sans anesthésie.

On peut aussi s’intéresser aux résultats radiographiques des collatéraux du futur reproducteur, mais s’il est le seul de la portée à être radiographié, cela n’apporte pas grand-chose…

Devant tant d’incertitudes, il est donc préférable de choisir le reproducteur sur sa descendance. Si l’on retrouve beaucoup de sujets dysplasiques dans sa descendance, on peut considérer que le reproducteur est un faux négatif pour la dysplasie coxo-fémorale et donc à éviter.

2. Rôle du Club de Race

- Le club de race doit désigner un lecteur officiel et unique, connaisseur de la race. Ce dernier doit officier sur du long terme pour un meilleur gage de qualité. Le club doit adapter sa grille de sélection en fonction de la prévalence de l’affection dans la race. Par exemple, pour une race ayant un effectif de chiens dysplasiques élevés, le club pourra tolérer des notations A, B ou C au niveau 4.

- Un examen en seconde lecture avec une deuxième prise de cliché radiographique est permis uniquement dans le cas où sur le premier cliché, l’animal est mal positionné et qu’on ne met pas en évidence des signes de dysplasie et d’hyper-laxité articulaire.

S’il y a contestation, mais que le premier cliché a bien été pris, la procédure FCI impose que ce soit la radiographie qui a fait l’objet du classement initial qui fasse l’objet de l’examen en appel.

- Le club ne doit pas abaisser l’âge du dépistage officiel (18 mois) car toutes les études montrent que le dépistage est d’autant plus fiable qu’il est effectué tardivement.

- Il s’agit avant tout pour le club d’une politique sur du long terme pour pouvoir escompter obtenir un résultat positif. Ainsi, nous pouvons donner l’exemple du Setter Gordon où la dysplasie est passée de 42 % pour la période 1993-2000, à 27 % pour 2001-2008, pour atteindre 21 % pour 2009-2013.

Les progrès sont lents. Il s’agit de limiter la prévalence en attendant le test génétique.

III. Dépistage précoce de la dysplasie coxo-fémorale

Le diagnostic officiel de la dysplasie s’effectue à l’âge de 12 ou 18 mois selon les races (18 mois chez le Léonberg), selon un protocole bien défini par la FCI, sous sédation, avec documents officiels (attestation de non intervention chirurgicale …). La lecture, faite par le lecteur officiel, aboutit au résultat officiel de dysplasie qui est publié sur le pedigree.

Le diagnostic précoce se veut être un dépistage avant l’officiel. Il n’est fiable que s’il existe une anomalie. Autrement dit, si le diagnostic précoce vous dit que le chiot a de bonnes hanches, rien n’empêche qu’à l’âge officiel il pourra présenter de la dysplasie. Par contre, étant jeune, si les hanches sont déjà mauvaises, elles le seront aussi à l’âge officiel.

Le diagnostic précoce peut être intéressant en cas de suspicion de dysplasie sur un animal jeune ou encore dans les races à fortes prévalences de dysplasie coxo-fémorale. Cela permet notamment à l’éleveur d’éviter d’investir de l’argent et du temps dans des animaux (expositions, alimentation …) qu’il sera obligé par la suite d’écarter de la reproduction pour cause de dysplasie.

Cela permet aussi d’engager un traitement précoce contre la dysplasie.

Le diagnostic précoce de la dysplasie se base sur un examen clinique et radiographique. Il peut être pratiqué dès l’âge de 16 semaines.

Examen Clinique

- Il s’agit d’une manipulation coxo-fémorale : hyper-extension de la patte, en abduction et en abduction-extension. Si les articulations sont saines, l’animal ne présente pas de douleurs.

- Signe du test du ressaut d’Ortolani : on pousse le genou vers le haut en tenant la hanche puis on lève la patte. On obtient alors une secousse au niveau de la hanche qui se remet en place. Cela montre la laxité ligamentaire.

L’examen radiographique

Il se compose de deux types de radiographies

- La radiographie classique des hanches : elle est intéressante que si l’animal présente des anomalies, on peut donc affirmer que l’animal est dysplasique. Par contre si le cliché est normal, on ne peut pas conclure, l’animal pourra éventuellement développer une dysplasie plus tard.

- Radiographies en position forcée

Ce procédé consiste à forcer les têtes fémorales à se déplacer latéralement pour mettre en évidence et mesurer la laxité ligamentaire.

On pratique 3 clichés :

· un cliché standard

· un cliché en compression pour recentrer au maximum les têtes des fémurs dans l’acétabulum

· un cliché en distraction (insère deux barres entre les jambes pour provoquer un écartement des têtes de fémur

On calcule alors l’indice de laxité ligamentaire que l’on appelle encore indice de distraction. Ce dernier varie de 0 à 1 (0 pour les hanches saines, 1 pour les hanches totalement luxées).

On considère que si

· Indice de distraction < 0.3 on a des hanches normales

· 0.3< Indice de distraction <0.7 on a des hanches normales mais à risque

· Indice de distraction >0.7 on a un risque élevé de développement d’arthrose.

Attention, selon la race, pour un même indice de distraction peut obtenir un pourcentage d’arthrose différent à l’âge adulte. Ainsi, pour un indice de distraction de 0.65, on obtient 40 % de chiens arthrosiques à deux ans chez le Berger Allemand contre 35 % chez le Rottweiller.

La mesure de l’angle Norberg Olson sur le cliché en distraction est également un bon indicateur d’une future dysplasie. S’il est supérieur à 91° pour un chiot de 4 mois, on peut conclure qu’il aura de bonnes hanches à 1 an. S’il est inférieur à 85°, le chiot aura de mauvaises hanches à 1 an.

Comme l’indice de distraction a une forte héritabilité (0.6) il est donc intéressant de l’utiliser et de pratiquer le dépistage précoce. Toutefois, il s’agit d’un examen très complexe à réaliser et qui doit être obligatoirement fait par un vrai spécialiste.

En tout cas, cela représente un vrai intérêt individuel (traitement précoce de la dysplasie pour l’animal) mais aussi au niveau de l’élevage avec l’éviction des sujets atteints très rapidement.

IV. Conclusion

Comme nous venons de le voir, la dysplasie coxo-fémorale est une affection héréditaire. Comme l’héritabilité est faible, l’amélioration sanitaire du cheptel ne peut être que lente et de longue haleine. Dans l’attente d’un test sanguin permettant de mettre en évidence de façon indubitable la dysplasie, seule la radiographie, alliée à la sélection sur les reproducteurs, permet de diminuer la prévalence de l’affection.

L’éleveur doit, en effet, accorder une grande attention, sur le plan de la dysplasie, au choix de ses reproducteurs. Mais il doit garder à l’esprit que, les aléas de la génétique étant ainsi faits, il peut, malgré l’utilisation de reproducteurs sains sur une ou plusieurs générations, produire des sujets dysplasiques.



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